Le temps de l'écoute
Mes genous commencent à se rappeler à mon bon souvenir ces derniers temps...
A la sortie de mes traitements, alors que je commençais à tourner ma caboche de tournesol vers le soleil, mes genous m'ont lachés.
Comme ça.
En quelques mètres.
A peine pu arriver chez moi, atteindre le canapé. Sans chute, sans rien. Juste un retour de ballade en landau.
Incompréhensible.
Je ne tenais plus sur mes jambes.
Grrrrrrrrrrr.
Ces quelques semaines de 'vacances' qui me restaient avant la reprise du travail, balayées en quelques minutes.
Pour ma toubib de l'époque, problème de ménisque.
"Vous devez patienter. Prenez du Doliprane, ça devrait passer. Pas besoin de radio, on ne voit rien concernant les ménisques sur des radios. Pour un scanner, il faut tellement attendre pour un rv que vous n'aurez plus rien quand vous y serez... Dans une semaine, ça ira mieux, vous verrez, etc..."
Un rendez-vous, 2 rendez-vous, 3 rendez-vous. Aucune amélioration.
Jusqu'à ce que je me tourne vers un ami médecin.
Il m'a dit immédiatement : "Dans une semaine même pas, tu remarches. Je te trouves un rendez-vous pour un scanner dans les 10 jours. En attendant, je te fais une infiltration."
Le messie, quoi !
Ainsi, en 5 minutes, il avait pris en compte ma douleur et son contexte.
Ce médecin ne prend pas plus le temps que les autres médecins. Peut-être même moins.
(Pour finir, le scanner a révélé que mes genous étaient foutus, rien à voir avec les ménisques.)
Tout ça pour dire que la clé de la relation patient-médecin, ce n'est pas que le temps. C'est aussi la considération au sens fort. Ce médecin est aussi psychiatre, ceci explique peut-être cela.
A propos d'écoute du patient, j'ai trouvé à la médiathèque le documentaire Consultations : le temps de l'écoute d'Anne Kunvari (2003).
Ce sujet m'interpelle vraiment.
Comment se fait-il que je n'arrive pas à trouver ma relation avec mon oncologue satisfaisante ?
Alors que par ailleurs, cette personne est très appréciée.
Qu'est-ce-que j'attends et ne trouve pas ?
Dans ce film, on découvre une jeune cancérologue en consultation avec des patients, à l'hôpital Louis Pasteur de Chartres. Et biensûr, elle est très à l'écoute, prend son temps pour nouer une relation "fragile, complexe, intense" comme le dit la jacquette du dvd.
Ah, ah, j'allais enfin voir ce que pouvait être la crème de l'oncologie question relationnel...
Oui, bon, ben voilà, maintenant je sais.
Je sais que ça vient de moi et pas de l'oncologue.
Ou plutôt non, ça vient de la pathologie.
Oui c'est ça. L'oncologue n'est pas une personne qui rassure celui qui flippe vraiment. Elle est là pour écouter éventuellement, mais elle ne peut pas réconforter totalement. Ce qu'elle dit dans le film quand le patient est en rémission, c'est 'seulement' : "C'est bien, on ne voit rien sur les clichés, tout est parfait, etc..."
C'est énorme. Je sais.
Ce documentaire m'a totalement déprimé.
Parce que biensûr, elle ne dit pas "tout est parfait" à tous.
Lorsqu'une patiente très atteinte, parle de son espoir de guérir, elle l'a coupe et lui dit : "c'est un mot qu'il ne faut pas employer. Il s'agit de gagner du temps, on se bat pour ça."
Rentrer dans l'intimité du cabinet avec une caméra, c'est bien plus terrible que n'importe quel témoignage écrit.
Dans ce film, il y a Anne Matalon, lors d'une de ses consultations.
Alors même, curieux hasard, que je viens de finir son livre 'Chimiofolies', que j'avoue n'avoir que feuilleté, car je ne supporte plus les récits sur ce sujet.
Sauf qu'elle est écrivain, et que du coup, sa plume est agréable et originale.
Sauf qu'elle a tellement morflé durant ses chimios que je suis bien contente de ne pas l'avoir lu à cette époque-là de ma vie.
Elle a co-écrit un livre en 2006 avec cette oncologue, Elisabeth Lucci-Angellier : Apprivoiser le crabe.
Pas lu. Pas encore.
Bref, rien à conseiller aujourd'hui, si vous m'avez compris !