Comme on va au bar...
Oui, je vais sur internet comme on va au bar.
Pour rencontrer du monde, des gens qui comme moi, vont au bar.
Pour parler, se sentir moins seul, voir qu'il y a du monde qui va aussi au bar.
Pour s'informer : comment vont les autres ? Est-ce qu'ils s'en sortent.
Certains ne viennent que peu, de temps à autre, alors quand ils débarquent, chouette, du neuf, ça change un peu des habitués qui n'ont pas toujours grand chose de neuf à nous mettre sous la dent.
Bah, parfois, pas si terrible.
Pas grave, on reste encore un peu, des fois qu'il y aurait un nouvel arrivant qu'aurait des trucs sympas à nous dire.
Parce que des fois, c'est formidable, drôle, enthousiasmant, super émouvant, tellement vrai.
Parce que dehors, souvent, les gens s'expriment moins, et nous aussi. AU bar, les langues se délient...
On se met à y passer beaucoup de temps, évidemment trop, puisque notre vie, c'est pas le bar.
Qu'on a une famille, du ménage à faire, le repas qui ne se fait pas tout seul, qu'on doit se remuer, que la vie est courte, ...
Et puis dans un coin du bar, il y a MDA.
De moins en moins, parce qu'elle ne peut quasi-plus se déplacer, parce qu'elle va mourir. Et qu'elle le sait. Nous aussi.
Alors on vient au bar aussi pour elle, pour l'écouter nous dire ce que personne ne dit ailleurs. Parce que ce sont des gros mots.
Bien loin le temps où elle nous racontait son 'petit cancer'... Cet été. Pas si loin, pourtant. Dégringolade qu'on écoute tous, plus de 10 000 chaque jour, médusés. Des mauvaises nouvelles à n'en plus finir. Elle tient le coup, elle raconte, elle raconte. Et on l'écoute comme pour s'habituer à ce qui pourrait bien nous arriver. Voyeurs ? Oui, biensûr.
Ne nous racontons pas de sornettes, des voyeurs. Mais parce qu'on veut savoir.
Dans ce bar, on devient accro à ce qu'on y boit.
Heu, faudrait pas que je devienne pochtrone.
Y aller moins souvent. Sauf qu'après, on se prend une cuite tellement on a du retard ! On ressort groggy, en se disant que la prochaine fois, on boira moins, que c'est complètement débile tout ce temps passé au bar, bon sang.
Ca s'appelle des promesses de poivrot.
Faire une cure ? Oui, mais on sait que ça ne marche que si la personne est volontaire...
Pas encore tout-à-fait prête.
Mais je sais que l'internet appelle l'internet. Ecrire un billet, laisser un commentaire, suivre un blog, c'est bien, oui, mais en fait, ça laisse mariner dans le cancer.
Pour moi, aller au bar n'est qu'une solution provisoire. C'est en tous cas comme cela que je l'envisage.
J'ai encore besoin de ma dose. Mais elle diminue, hourra !
Je sais que quand je n'écrirai plus ici, c'est que je serai VRAIMENT guérie dans ma tête.
Guérie dans ma tête, j'ai bien dit ;o)