Déboussolée
Ma doctoresse tant appréciée a fini par arrêter.
Burn out. Ou syndrôme d'épuisement professionnel.
Elle m'avait prévenu de son départ imminent, et de son remplacement.
Elle ne s'était jamais arrêtée pendant ses traitements, et ne prenait quasi jamais de congés.
J'ai même su par son mari qu'elle n'avait plus jamais refait d'examen depuis 3 ans. J'étais soufflée.
D'autant qu'elle m'en prescrivait à la moindre angoisse de ma part. En disant toujours qu'il valait mieux vérifier avec cette maladie.
Ainsi, lorsqu'elle est partie, je me suis retrouvée sacrément penaude.
Qui pourrait la remplacer ?
Je lui étais déjà reconnaissante d'avoir été là jusqu'ici. C'était déjà ça. Je me sentais plutôt bien maintenant.
Je ne demandais d'ailleurs plus d'échographie de ceci ou de radio de cela depuis pas mal de temps.Un bon indicateur de mes angoisses, ça !
Bref, aujourd'hui, parce que cela fait 6 mois que je n'ai pas eu de bilan sanguin (jamais prescrit par l'hôpital qui ne s'y intéresse pas), et aussi parce que je n'ai pas un problème médical précis, j'avais donc pris rendez-vous chez son remplaçant... pour voir.
Mince, c'est un homme.
Je m'installe, et lui, commence à lire à voix basse une feuille imprimée d'environ 15 lignes. Mon 'pitch' en somme. Transmis par mon ancienne doctoresse. De loin, j'arrive à lire un peu, je vois en caractère majuscule les noms de mes spécialistes, et aussi quelques RAS.
Et lui qui ré-écrit tout cela, en le résumant je suppose, dans son ordi.
La préhistoire !
Je ne pipe mot.
Médusée que mon dossier n'ait pas été transvasé informatiquement dans sa bécane.
Et ensuite seulement, soit après environ 10 minutes, il relève les yeux et la consultation commence.
Je lui explique alors la raison de ma venue.
lui : - Oui, d'accord, biensûr, un bilan sanguin. Et à quand remonte votre dernière radio des poumons ?
moi : - ... ?... ben à... ? (C'était pas dans les 15 lignes ?!) disons environ 2 ans et demi...
lui : - ?!... Et votre dernière écho du foie ?
moi : - heu... là, un peu plus récente, parce que j'avais des craintes, alors votre prédécesseur m'en avait prescrit une, il y a peut-être 8 mois ?...
lui : - Et mammo ?
moi : - C'est le seul examen que l'on me fait, tous les ans. C'est le protocole.
lui : - Ha oui, le 'protocole' !!!
Très déstabilisée la Méli, par ce qu'il m'a dit :
qu'il s'en fichait des statistiques,
qu'il n'avait pas des statistiques en face de lui dans son cabinet,
que c'était n'importe quoi de laisser les gens comme ça dans la nature après un cancer,
qu'il fallait au contraire me suivre de très près vu ce qu'il venait de lire,
que c'était qu'une histoire de sous,
que des examens coûtaient moins cher qu'une chio lourde,
que...
Houlà.
Alors, je lui ai dis :
que j'avais mis 3 longues années pour me rentrer dans le crâne que justement, si j'avais quelque chose, on le découvrirait bien à temps,
que leur théorie, c'est que ce serait de toute façon le même traitement, alors à quoi bon,
que les examens réguliers étaient anxiogènes, et statistiquement inutiles...
que...
Il m'a dit :
que ses trente années d'exercice lui dictaient un suivi en amont,
qu'une toute petite lésion découverte au poumon se soignerait peut-être avec seulement de la radio si elle était détectée à temps,
qu'il valait mieux savoir qu'être dans le doute.
Je suis ressortie en plus de mon bilan sanguin, avec une prescription d'écho abdominale et pelvienne et une radio des poumons, à faire tous les ans.
... et aussi la délicate sensation de ne plus savoir quoi penser. Il venait de me dire ce qu'on m'interdisait de penser depuis des années.
Je me suis retrouvée comme une allemande de l'Est à la chute du mur ! (cf photo)
Troublant.
D'autant plus que je suis entrain de lire 'La Force du lien face au cancer', très intéressant vraiment, ce bouquin qui décortique les aspects psychologiques qui lient le patient et le soignant. J'en reparlerais certainement ici.
Je n'ai surtout pas envie que mon sans doute futur médecin traitant soit en opposition avec l'équipe de spécialistes de l'hôpital.
Il faudra absolument que je lui dise la prochaine fois.
Mais le mal est fait.
Bon, je dis ça mais je suis a priori 'contente' de faire ces examens.
Oui, je sais, ça va me stresser à mort, évidemment.
Mais c'est pour mon bien !